Ces cinquante dernières années, l’accroissement de la population mondiale a entraîné une demande croissante pour les produits alimentaires, notamment ceux d'origine animale. Afin de répondre à cette demande et de faciliter l’accès aux produits animaux, l’agriculture traditionnelle a été largement remplacée par l’agriculture industrielle (production de masse). En outre, cet effet devrait se renforcer les prochaines années, étant donné que la population devrait atteindre les 9 milliards d’individus en 2050. Bien que l’élevage occupe une certaine place dans l’économie mondiale, il a néanmoins un impact majeur sur l'environnement (pollution, destruction d’habitat, etc.).
Au vu de ces différents constats, on peut se demander si l'élevage peut vraiment contribuer au développement durable. Pour cela, il devra satisfaire les besoins et contribuer au bien-être des populations humaines et animales, tout en préservant les ressources naturelles ainsi que les écosystèmes dont dépendront les générations futures. Cette synthèse prend à la fois en compte les impacts directs et indirects de l’élevage sur l’environnement et tente d’examiner les conditions et stratégies nécessaires pour que l’élevage s’inscrive dans une agriculture durable.
I. Les impacts de l’élevage
L’élevage a de multiples effets sur l’environnement de par la destruction des habitats naturels, le rejet de déchets dans l’environnement et l’appropriation des ressources planétaires. De plus, ces effets sont également visibles sur la santé humaine et animale de par l’accroissement des contacts favorisant par exemple l’apparition de maladies zoonotiques. Cependant, cette synthèse se focalisera uniquement sur les impacts environnementaux.
I.1. Modifications des habitats et perte de biodiversité
Le premier impact visible de l’élevage est la modification des espaces naturels via la déforestation, la fragmentation et l’altération des habitats, mais aussi le changement d’utilisation des sols. Ces modifications induisent des impacts environnementaux, notamment sur la biodiversité. En effet, la modification de l’habitat est une des principales menaces pour les oiseaux, les amphibiens et les mammifères (85% de ces espèces menacées). L’impact des régions d’élevage intensif est dû à l’excès d’intensification tandis que pour les zones très extensives (systèmes d’élevage pastoraux), il est dû à la surexploitation des ressources souvent trop rares. Comme la demande en produits animaux est en plein essor, il est nécessaire d'avoir assez de terre pour la production agricole, notamment pour l'alimentation des animaux.
D’autres facteurs de l’élevage peuvent également jouer un rôle dans cette perte de biodiversité, comme l’introduction d’espèces exotiques envahissantes (animaux d’élevage). Ces dernières peuvent avoir une incidence sur les espèces indigènes : compétition pour l’accès aux ressources (nourriture, habitat…), introduction d’agents pathogènes pouvant entraîner des maladies voire la destruction de leur habitat.
I.2 . L’utilisation excessive des ressources naturelles
L’augmentation de la consommation et de la production animale a un impact majeur sur les ressources naturelles. En effet, le secteur de l'élevage constitue un concurrent de taille pour l’exploitation des ressources rares telles que la terre, l'eau et l'énergie. Par exemple, si on tient compte de l’irrigation nécessaire aux cultures et fourrages dédiés à l'alimentation animale, l’élevage est un gros consommateur d’eau. Ainsi, la maîtrise de l’eau représente un enjeu majeur afin de limiter le gaspillage [1]. Cependant, c’est principalement la pollution de l’eau et les différentes émissions (gaz à effet de serre) qui pose le plus de problèmes, ainsi que celle de l'air et du sol.
I.3. Les pollutions globales et locales
Les estimations de la contribution de l’élevage dans l’émission des gaz à effet de serre (GES), responsables du réchauffement climatique, varient selon les méthodes utilisées. Toutefois, sa contribution est indéniable que ce soit dans l’émission de dioxide de carbone (CO2), de méthane (CH4) ou du protoxyde d'azote/oxyde nitreux (N2O). Les principales sources de CH4 sont la fermentation entérique (ruminants) et l’épandage (fumier, lisier). Les émissions de N2O sont généralement induites par l’application de substances chimiques tels que les engrais azotés mais également à travers l’épandage. Quant aux émissions de CO2, elles résultent essentiellement des conséquences indirectes de l’élevage comme par exemple la déforestation ou l’utilisation de combustibles fossiles. Les deux tiers des GES émis sont attribués à l’élevage extensif (ruminants) et un tiers à l’élevage intensif (porc, volaille). [2]
Pour finir, l'élevage est aussi responsable de près des deux tiers (64%) des émissions d'ammoniac d'origine anthropique contribuant sensiblement aux pluies acides et à l'acidification des milieux.
Par ailleurs, cette pollution est également visible à travers les nombreux flux de déchets issus de l’élevage tels que les eaux usées, les produits chimiques, les matériaux d'emballage (carton, plastique...) ou encore d’autres types de déchets (fumiers, boues, abattages, etc).
Ainsi, en considérant la forte croissance démographique de la population et les besoins en produits animaux associés, le secteur de l'élevage ne pourra avoir un avenir durable que si des politiques et des mesures d'amélioration sont mises en place, en particulier dans les pays en développement. Une des mesures d’amélioration consiste à mettre en place des dispositifs financiers incitatifs qui vont encourager les agriculteurs à participer à la protection de la biodiversité et des paysages, combinés à des actions réglementaires spécifiques. [3]
II. Les stratégies d’atténuation des impacts de l’élevage sur l’environnement.
L’élevage ne peut subsister sans l’apport de matières et de services provenant de la nature (processus écologiques, ressources, absorption des déchets, biodiversité). Il ne sera durable que lorsqu’il ne compromettra pas ces services. Afin d’assurer la santé et la survie de maintes espèces, dont l'espèce humaine, les progrès des pratiques et les techniques d’élevage doivent intégrer cette notion de durabilité.
II.1. Les éventuelles stratégies pour l’habitat et la biodiversité
L’instauration de systèmes de pâturages (prairies) ou de systèmes en polycultures englobent un large éventail d'habitats qui varient considérablement en termes de gestion, de productivité agricole, de même que l'état de conservation de la nature. En effet, ces systèmes offrent une diversité plus importante d’espèces végétales qui auront un impact positif pour ce qui est du maintien de la biodiversité. Le pâturage du bétail peut aussi, dans une certaine mesure, minimiser la perte des fonctions écologiques liée à la disparition des grands herbivores (tel que l’ouverture des milieux forestiers, le maintien de prairies, la dispersion de graines) [4] et favoriser le retour d'oiseaux des champs [5]. De plus, les prairies vont favoriser l’augmentation de la séquestration du carbone, l’hydrologie des sols (ruissellement, capacité de rétention de l’eau) et la qualité de l'eau (sédiments, micro-organismes et nutriments). Ainsi, la suppression de l’élevage extensif engendrerait une perte des habitats, qui sont nécessaires au maintien de nombreuses espèces, et une altération des services écosystémiques liés à l'herbivorie. Par conséquent, de fortes perturbations environnementales seraient à envisager.
II.2. Les stratégies d’atténuation des pollutions
Une des solutions pouvant limiter l’émission des GES serait le contrôle de l’alimentation des animaux. En effet, l’utilisation d’aliments faibles en cellulose et la complémentation par certains acides aminés, lipides ou des ionophores (anti-microbiens à effet anti-méthanogène), pourraient limiter la fermentation entérique, d’où la réduction des émissions de méthane. D'autres pratiques sont potentiellement prometteuses telles que l'amélioration de la gestion des pâturages, le remplacement des ensilages d'herbe par l'ensilage de maïs ou de colza, ou encore l'utilisation de certaines légumineuses. La génétique peut également intervenir dans la diminution des GES via la sélection de races très productives, à faibles rejets de méthane ou des modifications génétiques [6]. Pour finir, des solutions peuvent exister afin de limiter certains déchets issus de l’élevage, telles que la production d'énergie renouvelable par digestion anaérobique des litières (électricité, biométhane). [7]
II.3. Les stratégies subsidiaires
Selon certaines études, un changement de régime alimentaire privilégiant la consommation de produits végétaux, pourrait être une stratégie à adopter pour tendre vers une agriculture durable. Cependant, les effets de l’adoption d’un régime strictement végétarien ou végétalien semblent encore controversés. Néanmoins, il est indéniable que la réduction de la consommation de protéines animales aurait un impact positif sur l’utilisation des terres [8]. De plus, l’optimisation de l’élevage résiderait dans l’utilisation de produits non comestibles pour l’homme dans l’alimentation des animaux d’élevage (conversion de co-produits: paille, colza, pulpe de betterave, etc.) et l’utilisation de terres marginales impropres aux cultures (absence de concurrence entre les productions végétales et animales).
III. Conclusion
La production et la consommation mondiale des produits de l’élevage ne cessent de croître du fait de la croissance démographique et de l'augmentation de la demande alimentaire. Il est vrai que l’élevage a de nombreux impacts sur l’environnement en terme de pollution, de destruction d’habitats, d’accaparation des ressources naturelles et d’érosion de la biodiversité. Cependant, ceux-ci sont variables selon les méthodes d’analyse et les systèmes de production. Par exemple, il n’est pas évident de connaître la véritable implication de l’élevage dans le changement climatique, la contribution réelle des émissions de GES étant difficile à évaluer (manque de standardisation dans les méthodes de mesure, inclusion de nombreux paramètres indirects, etc). Toutefois, les études s’accordent toutes sur l'importance de trouver des solutions pour atténuer ou réduire l'impact de l'élevage sur l'environnement. D’ailleurs, certaines sont déjà mises en pratiques, comme le retour aux systèmes de pâturage pour retrouver plus de biodiversité.
En conclusion, il apparaît que l’élevage tel qu’il est pratiqué aujourd’hui ne s’inscrit pas dans une agriculture durable, mais les solutions et les politiques de changement qui émergent sont encourageantes pour les années à venir. L'évolution des régimes alimentaires vers moins de consommation de viande participerait aussi à une diminution de l'impact environnemental de notre alimentation.
Éditée par: Camila CHANTALAT, Sohini CLAVERIE, Soraya GROC et Sarah SCUSSEL.